La double vie de Médor
Seuil Jeunesse

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ÂGE CONSEILLÉ

3 - 6 ans

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#chien | #conte | #fable | #faim | #humour | #liberté | #loup | #mystère | #nourriture | #pauvreté

Auteur/illustrateur : André Bouchard

Maison d'édition : Seuil Jeunesse

Collection : /

Nombre de pages : 40

Date de parution : Octobre 2020


Seul dans la nuit glacée, un pauvre loup erre dans les rues d’une ville. Il a faim, terriblement faim, lorsque les effluves d’un délicieux repas viennent soudainement lui titiller les narines. Ne pouvant pas résister à l’odeur, le loup se met à la suivre. Il arrive jusqu’à une maison cossue où il frappe à la porte. Une vieille dame lui ouvre. Elle contemple avec pitié l’animal décharné qui se trouve face à elle, puis l’invite à rentrer et lui sert un bon repas ainsi qu’une tasse de thé bien chaude au coin du feu. Le loup est heureux.


Certaine d’avoir affaire à un chien des rues, la charmante vieille dame décide de le garder pour la nuit. Après tout, elle ne va pas le relâcher alors qu’il fait si froid dehors !

Les jours passent et la vieille dame s’occupe toujours de l’étrange animal. Elle s’est si bien habituée à sa présence qu’elle souhaite plus que tout le garder définitivement auprès d’elle. Voici donc le loup transformé en animal de compagnie, coiffé d’un nœud dans les poils, affublé d’un collier scintillant, et surtout, nourri de repas tous plus alléchants les uns que les autres. 

Il faut avouer que pour l’égo du loup, cette vie de Toutou à sa mémère est un peu compliquée à admettre… mais le loup est prêt à tous les sacrifices pour pouvoir continuer à manger les plats si délicieusement préparés par la vieille dame ! Et des sacrifices, il devra en faire ! Au programme de sa nouvelle existence bourgeoise : bains moussants parfumés, manucures, leçons de piano, visites au musée et promenades en laisse en petit manteau brodé…



Un jour, la vieille dame ne revint pas des courses. Elle est tombée et s’est cassé une jambe. Seul dans la grande maison, le loup attend désespérément son retour ; il a faim.

Plus les jours passent, plus sa gamelle reste vide et plus la faim se fait ressentir. Le loup n’a plus le choix ; il doit manger ! Le voilà donc qui se décide à quitter la maison et errer dans les rues, comme avant.

C’est l’estomac vide et douloureux qu’il arrive dans un parc où jouent de nombreux enfants. La faim le tenaille, il doit passer à l’action… Va-t-il les dévorer tout cru ? 

On pourrait le croire et pourtant la chute de cette histoire est bien plus originale, mais on ne vous la révèlera pas ici, pour ne pas gâcher le plaisir de ceux et celles qui courront acheter le livre !


Notre avis

La double vie de Médor est un album qui mérite d’être découvert.

La première chose que l’on remarque, ce sont les illustrations si caractéristiques de André Bouchard. Remplies de traits finement tracés à l’encre, elles ressemblent à des gravures. L’auteur utilise ces traits pour imprimer des textures, représenter des ombres et donner du relief. Ils conviennent donc parfaitement pour dessiner la ville aux bâtiments étroits, aux toits pointus et aux dalles en pavés, de même que l’écorce des arbres et le pelage des animaux. Les éléments importants sont mis en couleur avec de l’aquarelle, tandis que le reste de l’image est laissé en noir et blanc.

Qu’ils soient humains ou animaux, les personnages dessinés dans La double vie de Médor sont très expressifs. Le loup est particulièrement bien représenté. On adore sa tête qui communique si bien ses émotions. On craque pour son air blasé et irrité lorsqu’il se fait pouponner comme un brave toutou alors qu’il déteste ça. Avec leurs allures bourgeoises et leurs mines pincées, la vieille dame et ses amies sont très convaincantes elles aussi.


L’humour fait partie intégrante de l’histoire qui joue sur la confusion entre chien et loup. Dès le début, l’auteur met le lecteur au courant : le héros de cette histoire est un animal sauvage, un loup qui a faim. La vieille dame, elle, ne pense pas un instant avoir affaire à autre chose qu’à un chien. Et elle n’est pas la seule, puisque du boucher aux écoliers, tous les personnages croisés dans le livre ignorent l’origine de ce drôle de canidé… Étant donné qu’il est mis dans la confidence, le lecteur ne peut que s’amuser des incompréhensions qui apparaissent. Il éprouve un peu d’inquiétude aussi, pour la vieille dame, ses amies, les promeneurs et les enfants qui jouent dans le parc… le loup finira-t-il par les manger ? Ce décalage entre ce que le lecteur sait et ce que les personnages de l’histoire pensent rend le récit absolument savoureux.

En plus d’être amusant, La double vie de Médor invite à réfléchir sur certains sujets importants. Tout comme la célèbre fable de La Fontaine Le Loup et le Chien, cette histoire nous interroge sur les valeurs que nous serions prêts à sacrifier pour gagner un peu plus de confort. Accepterions-nous de renoncer à notre liberté et notre fierté pour des repas copieux et une vie plus distinguée ?


Terminons par quelques mots à propos de l’écriture du texte. Le langage utilisé est soutenu mais accessible. Les phrases sont travaillées et le style assez traditionnel. À plusieurs reprises au cours de l’histoire, l’auteur interpelle le lecteur. Il lui demande son avis (devrait-on prévenir la vieille dame ?) ou lui suggère de crier pour prévenir les enfants qui jouent dans le parc. Ces interpellations rendent le lecteur actif et la lecture dynamique.

Ajoutons que la fin de l’histoire n’est pas tragique du tout. Ce livre peut donc tout à fait être lu au moment du coucher. Au contraire, la chute de l’histoire est surprenante et comique, ce qui décuple encore le plaisir des petits lecteurs.


Ce bel et grand album illustré possède donc tout ce qu’il faut pour divertir des générations d’enfants !