Agnès L’ogresse
Seuil Jeunesse

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ÂGE CONSEILLÉ

5 ans +

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#aventure | #conte | #cuisine | #fantastique | #géant | #imagination | #monstre | #ogre

Auteur/illustrateur : Benoît Debecker

Maison d'édition : Seuil Jeunesse

Nombre de pages : 40

Date de parution : Septembre 2020


Agnès est maîtresse d'école, mais aussi une redoutable ogresse. Pour un oui, pour un non, elle ne peut s’empêcher de croquer ses élèves ! Elle l’a tant et tant fait que sa classe est à présent vide et que plus aucun parent ne souhaite lui confier ses enfants. Voilà qui n’est pas pratique… non seulement elle n’a plus rien à faire, mais en plus elle commence à avoir faim !


Tandis qu’elle se morfond, un enfant erre dans la forêt. Perdu sous la neige, le petit Barnabé ne sait pas où aller. Alors, quand il aperçoit la lumière filtrer à travers les fenêtres de l’imposant manoir d’Agnès, il s’y dirige avec soulagement.


Impatient de trouver un refuge hospitalier, le petit garçon ne se méfie pas de la grande femme aux oreilles et dents pointues. Après tout, ne vient-elle pas de lui faire un câlin pour le réconforter ? Il est loin de se douter qu’en réalité, Agnès palpe son maigre corps pour estimer ce qu’elle aura à manger. D’ailleurs, cet enfant est bien trop chétif pour être intéressant. Il va falloir qu’elle le remplume avant de le faire passer à la marmite ! De son côté, Barnabé est tellement heureux de pouvoir dormir dans un lit bien chaud que la rangée de petits lits vides à côté de lui n’éveille aucun soupçon.


Cette nuit-là, la vieille chouette Séraphine qui habite clandestinement le grenier du manoir se charge de réveiller et prévenir le petit garçon. Comprenant qu’il n’est pas invité mais plutôt prisonnier, Barnabé se met à pleurer. Séraphine le réconforte. Elle ne le laissera pas dans ce piège ; ils s’échapperont ensemble !


Le lendemain, Agnès l’ogresse entreprend de gaver Barnabé à grand renfort de ragoût de culs-de-lapins à l’ail. Le petit garçon reprend du poids ; le passage à la marmite se rapproche dangereusement. Séraphine comprend qu’il ne faut plus trainer. Elle embarque Barnabé sur son dos et tous deux s’envolent par la fenêtre.


Le jeune enfant est-il sain et sauf ? Pas du tout ! Séraphine a le vertige et ne peut pas voler bien haut. Agnès (qui comme toutes les ogresses a une ouïe particulièrement fine) rattrape les fuyards et les emprisonne à nouveau dans le manoir. Cette fois c’est sûr, Barnabé finira dans la casserole ! Et pourtant, de nouveaux retournements de situations arriveront encore, jusqu’à transformer Agnès l’ogresse en la plus gentille des maîtresses ! 


Notre avis :

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Agnès l’ogresse est un livre plein de rebondissements. Avec son thème classique, son univers fantastique, ses personnages à la personnalité affirmée et son dénouement positif, ce livre peut être rangé dans la catégorie des contes tels que Barbe Bleue ou Le petit chaperon rouge.


Les lecteurs se prennent rapidement d’affection pour le petit Barnabé, s’inquiètent de le savoir perdu dans la grande forêt, sont soulagés quand il trouve un abri, s’inquiètent à nouveau quand ils comprennent que la bienveillance de l’ogresse ne sert qu’à l’engraisser, retiennent leur souffle lors des tentatives d’évasion, poussent un soupir de soulagement lorsque le Géant arrive, et ainsi de suite. Tout au long des pages, les actions s’enchainent et nous font vivre une montagne russe d’émotions.


L’univers graphique particulier de Benoît Debecker est bien présent. Les dessins aux traits épais sont mis en couleur à l’aquarelle. On y reconnait l’imagerie des contes traditionnels, avec des personnages qui ressemblent à des animaux humanisés. Les illustrations transmettent l’atmosphère pesante de l’histoire et soutiennent la compréhension des lecteurs tout en les immergeant encore plus dans le récit.


Le texte est composé de phrases dont la syntaxe et le vocabulaire ont été soigneusement choisis. On y retrouve une large gamme de formules directement sorties de l’univers des contes, de même que diverses expressions et maximes. Dialogues et narration se succèdent pour retranscrire l’histoire de façon rythmée, nous donnant l’impression d’assister aux événements en direct.


Enfin, soulignons les nombreuses onomatopées retranscrites dans le texte. Les « Clic-Clac » et les « Cric-Crac-Croc » offrent un chouette effet auditif, tant pour celui qui lit l’histoire et s’en sert pour mettre de l’intonation, que pour celui qui écoute l’histoire et frissonne au son de ces bruits tellement significatifs.


Terminons en mentionnant le côté parfois irrévérencieux de l’auteur qui mélange le conte et le langage traditionnel avec certains mots plus familiers. Ainsi, c’est du ragoût de cul-de-lapins qui est servi à Barnabé pour l’engraisser, et c’est avec un grand « Adieu, ogresse de mes fesses ! » qu’il salue Agnès lorsqu’il s’enfuit. Autant d’écarts de langage qui pourront mettre certains parents mal à l’aise. 


Notons aussi que lorsque l’ogresse se fait prendre à défaut par le gentil géant, celui-ci décide de la corriger en lui donnant des fessées. Les exclamations de Séraphine qui insiste pour que le géant tue l’ogresse et la découpe à l’aide de son couteau semblent tellement exagérées que l’on comprend bien que l’auteur a voulu insister sur le côté absurde de la situation. Les enfants, d’ailleurs, aiment généralement beaucoup ce passage qui inverse totalement le rapport de force et augmente le potentiel comique de l’histoire. Il faut dire que la méchante ogresse leur faisait quand même bien peur et qu’ils sont donc heureux de la voir se faire soudainement humilier. Toutefois, on peut se poser la question de la pertinence de cette démonstration de force et de violence. Le second degré sera-t-il bien repéré ? Dans tous les cas, nous conseillons aux parents qui lisent ce livre d’en discuter avec leurs enfants, ce qui donnera peut-être lieu à un intéressant débat sur l’(in)utilité de la violence éducative.